Dans ma vie d'avant
Aujourd'hui un message sans aucun rapport avec la cuisine, mais c'est mon blog donc je fais ce que je veux.
Dans ma vie d'avant, je travaillais dans une grosse entreprise agro-alimentaire américaine.
Rentrer dans ce genre de boîte, c'est un peu comme rejoindre une secte (à la différence significative que là on est payé pour croire toutes les conneries qu'on nous raconte et non pas le contraire). Soudain, on vous impose :
- un langage qui ressemble à du français mais qui est légèrement différent, exemple, les salariés ne sont pas des salariés ou des collaborateurs mais des partenaires,
- des principes qui soutendent le sacro-saint "esprit d'entreprise" : "les cinq règles " : excellence, responsabilité, performance, partage, autonomie. Les principes sont sacrés et personne ne peut vraiment y déroger sans se voir attribuer 10 coups de fouets sur le parking. Mais à côté de ça, ils sont tellement bateau qu'on peut leur faire dire tout et son contraire, ce qui arrive d'ailleurs en permanence, exemple : au nom de la règle du partage, nous allons établir une relation à long terme avec nos fournisseurs car un bénéfice durable est un bénéfice partagé et parallèlement au nom de la règle de la performance, nous allons serrer le kiki de nos fournisseurs jusqu'à ce qu'ils en soient à licencier un tiers de leur personnel car là nous serons sûrs qu'ils ne peuvent vraiment plus baisser leur prix.
- des bureaux paysagers (il faut reconnaitre que les bureaux paysagers c'est pour tout le monde jusqu'au big boss), parce que les bureaux paysagers c'est vraiment idéal pour favoriser la communication entre partenaires (d'ailleurs à l'américaine, tout le monde se tutoie pour favoriser également la communication entre niveaux hiérarchiques). A mon avis, les bureaux paysagers, c'est surtout l'idéal pour faire des économies substantielles en espace de bureau et cela permets aussi de fliquer tranquillement tous les partenaires ! clever !
Et un souvenir m'est revenu à l'esprit en lisant le dernier post de l'éloge de la pipeautique .
Nous étions donc tous dans notre grand bureau paysager, les petits, les grands, les sous-fifres, les managers. et il y avait à un bureau près du mien une manageuse que pour les besoins de l'histoire, nous allons appeler Sylvie Testud (aucun rapport avec l'actrice mais bon il fallait bien que je trouve un nom). Sylvie Testud avait à l'époque une quarantaine d'années et était une de ses personnes dont les promotions successives ne pouvaient s'expliquer d'après moi que par des talents que l'on exerce généralement que dans un cadre très privé et avec la bouche. Elle était bien plus haut que moi dans l'organigramme. Et, elle ne m'adressait jamais la parole à moins que le hasard ne nous fasse arriver à la même heure sur le parking, auquel cas pour éviter la gène pesante du télésiège, elle avait la bienveillance de m'adresser quelques mots : "on a pas eu d'hiver, hein ?". La météo a été inventée pour les gens qui n'ont rien à se dire.
Et un jour elle s'est mariée. L'idée du mariage ne me semble pas complètement ridicule, je conçois qu'on veuille s'habiller comme un vacherin pour sceller son engagement envers l'être cher devant un parterre de proches déguisés en pingouins. Je ne l'ai jamais pratiqué moi-même car ma moitié est franchement réfractaire. Et puis après dix ans de vie commune et deux enfants, je crois que nos proches sont bien conscients de notre engagement.
Sylvie Testud, elle, nous a TOUT fait ! A quarante balais, elle a osé la robe bustier blanche ! On a eu droit au mail groupé pour nous signifier qu'elle serait en congé pendant deux semaines parce qu'elle se mariait. Au retour de congé, on a eu droit au mail groupé avec les photos !! Je crois même qu'on a eu droit à un pot de remerciements parce qu'on l'avait félicité. Et puis on a cru que c'était fini, mais non car maintenant il fallait qu'elle change de nom !
Déjà, j'ai un gros problème avec le concept même de changement de nom : pourquoi après s'être appelée Machine pendant 10, 30 ou 40 ans, le fait de se marier doit-il amener un femme à changer de nom pour Bidule ? (bon à moins que au lieu de Machine, on s'appelle Coucouille, là je comprends). Je rentrerai bien dans les détails de ce que j'en pense en terme d'aliénation de la femme par son mari, mais vous allez penser que je suis féministe et après personne ne voudra plus lire mon blog.
Donc Sylvie Testud a changé de nom pour s'appeler Sylvie Vartan (pas de rapport avec la chanteuse non plus). Et quand on change de nom, il faut prévenir les gens : ses interlocuteurs internes et externes, le service informatique pour le nouvel email, le service du personnel, etc. ça en fait des coups de fils à passer ! ET dans un bureau paysager, on est sûr que tout le monde en profite et que personne, mais vraiment personne ne peut passer à côté de la nouvelle : "oui je me suis mariée, alors maintenant c'est VARTAN : V-A-R-T-A-N, oh oui c'était une fête merveilleuse, il a fait un temps magnifique et nous sommes allés aux Maldives en voyage de noce. Je suis tellement heureuse." Traduction : "oui j'ai cédé à la pression sociale, maintenant je porte le nom de mon mari à qui je dois fidélité et obéissance et on a vraiment plein de sous".
Mmmouff... elle a divorcé ...